Altbier : Destination Düsseldorf!

Altbier : Destination Düsseldorf!
12 Août 2016

Avant d’aller à Munich, Simon et moi avons fait une courte escale de 2 jours à Düsseldorf, une ville du nord-ouest de l’Allemagne, à deux pas de Cologne. Cette visite impromptue nous aura permis de découvrir un peu la fierté que certaines villes d’Allemagne retirent à produire un seul type de bière duquel ils ont l’exclusivité. Dans le cas de Düsseldorf, leur spécialité brassicole est la Altbier.

 

Déjà, avant de vous présenter les brasseries traditionnelles que nous avons visitées, il serait bien de décrire ce qu’est une Altbier! « Alt » signifie vieux en allemand (et bier, je crois que vous aurez deviné…), désignant le fait que ce type de bière est encore brassé avec une levure de haute fermentation, ceci en opposition aux nombreuses pilseners allemandes. Il s’agit d’une bière ambrée assez faible en alcool (souvent près du 4,5%), et dont les saveurs rappellent le caramel, les noisettes… Cette spécialité régionale est très peu sucrée et assez bien houblonnée (pour une bière allemande), ce qui lui confère une bonne amertume et des notes herbacées et feuillues. Cette bière très sèche se veut très rafraîchissante et de là découle une facilité à en boire de bonnes quantités. Voilà pour l’introduction!

 

Le grand intérêt de Düsseldorf, pour un amateur de bière, c’est de visiter les brasseries traditionnelles. Nous avons eu l’occasion d’en visiter deux : Uerige et Schumacher.

 

Jour 1 : Visite à Uerige

Intérieur Uerige

L’intérieur rustique est très charmant

En plein cœur de la Altstadt (vieille ville), l’extérieur de cette brasserie, que nous avons eu l’étourderie de ne pas prendre en photo, est assez sobre. Par contre, une fois à l’intérieur, on constate la grande taille du bar, qui est divisé en plusieurs sections et qui doit pouvoir accueillir plusieurs centaines d’assoiffés d’altbier. De plus, l’intérieur est dans un style tout en bois très antique et chaleureux. En rentrant, nous sommes assez surpris par le nombre de serveurs qui sont au bar. Et ceux-ci ne perdent pas de temps pour nous servir une bière. En fait, les serveurs nous ont uniquement regardés et ont dit « bier? » Comme si la diversité des styles ou des goûts ne pouvait se résumer qu’à ce mot! Bien sûr, ils parlaient de altbier, mais c’est le seul choix offert, on n’attend donc pas que les clients fassent un choix!

 

La altbier est servie dans un petit verre à Kölsch (donc totalement droit) d’environ 250 ml. À 1,90 euros le verre, c’est une aubaine! Comme nous étions juste à côté du bar, on a pu voir que la bière était servie directement d’un tonneau de bois. Un genre de cask si on veut, mais les tonneaux ne restent pas plein suffisamment longtemps pour que la température du breuvage diminue.

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Ces tonneaux, pompés à la main, renferment une véritable merveille

Peut-être que je suis ignare, mais j’ai été assez impressionné de  voir les serveurs changer un tonneau vide : ils en ont apporté un nouveau, et, à l’aide d’un marteau, ils ont percé un trou pour la champelure directement devant nous! Je ne pensais pas que ça se faisait vraiment…

 

Dans ce type de brasserie, les serveurs remplissent à la chaîne les petits verres de bière, et ils partent dans le bar avec un plateau plein, à la recherche de clients ayant fini leur verre. Aussi bien dire que jamais nos verres n’étaient vides. Le service était tellement rapide qu’à un moment il me restait une bonne gorgée dans mon verre et comme le serveur passait à ce moment-là, il m’a fait signe de la main de finir ma bière immédiatement pour qu’il puisse la remplacer. Je ne sais pas si ça compte comme de la vente à pression, mais ça peut mener à consommer beaucoup de bière en très peu de temps. Près de nous, il y avait un couple dans la cinquantaine à qui le serveur faisait la même chose, et j’ai dû voir l’homme engloutir un bon litre et demi de bière. Je suppose que les Allemands développent une excellente tolérance!

 

Comme c’est un site de bières et non pas de nourriture, je serai bref sur la nourriture en brasserie traditionnelle. Ce jour-là nous avons pu goûter des Rye Rolls, des saucisses de Francfort, de la choucroute… Tout était dans la pure tradition allemande!

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Jour 2 : Schumacher

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L’intérieur est du même style que Uerige et est très accueillant

 

Le deuxième soir, nous avons continué l’immersion à un autre endroit réputé : la brasserie Schumacher. Un peu comme à Uerige, la façade sobre ne laisse pas présager l’immensité de l’intérieur. Et celui-ci est également dans un style tout en bois. Nous n’avons pas vu les tonneaux cette fois-ci, mais je suis presque certain que le service des bières devait se faire dans des tonneaux en bois comme à Uerige.  L’ambiance se ressemble : beaucoup de serveurs, un empressement presque compulsif à remplacer un verre vide, de la altbier. Là où Schumacher s’est démarqué, c’est en proposant deux bières au menu : la altbier, bien sûr, et la 1838. C’est ici que j’ai remarqué la tendance très conservatrice des allemands : en demandant au serveur ce qu’était la 1838, il nous a fait un facial qui donnait moins envie et disait que c’était une altbier plus fruitée. C’est dire comme les Allemands aiment leur tradition! Dès qu’une bière sort un peu du cadre, on ressent immédiatement la méfiance. Ultimement, cette 1838 est effectivement plus fruitée et plus intense que ses consoeurs. Néanmoins, elle restait tout aussi rafraîchissante et je trouve qu’elle restait dans les limites de ce style qu’est la altbier. Bien que j’ai beaucoup aimé cette bière, je suis retourné à la altbier immédiatement après… Comme quoi le conservatisme allemand est contagieux!

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Chez Schumacher, nous voici à boire de la altbier en format verre à Kölsch pinte!

Au niveau de la nourriture, j’ai commencé un véritable pèlerinage de choucroute (j’en ai mangé tous les jours pendant tout notre séjour en Allemagne), et la plat que j’ai choisi était une assiette de saucisses assises sur une montagne de choucroute! Très bon mais un peu gras pour une consommation régulière, comme toute nourriture traditionnelle.

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Montagne de choucroute surplombée par diverses saucisses et boudin, un régal!

Qui fait la meilleure altbier?

 

Vous aurez remarqué que je n’ai pas beaucoup parlé des goûts des différentes altbiers. Je gardais cela pour les comparer entre elles! Au niveau des points communs entre les bières de ces deux brasseries, citons le service en tonneau qui ajoute une touche de charme qu’il est impossible de reproduire en bouteille. Aller chercher directement un produit à sa source, cela ajoute une plus-value. Sinon, j’ai découvert que ce style était vraiment conçu pour être facile à boire et rafraîchissant, deux objectifs réussis.

Les deux altbiers classiques que nous avons bues se ressemblent beaucoup au niveau du profil gustatif : les deux très « clean », ne se tenant avec brio qu’aux saveurs classiques du style : très sèches, du caramel, un peu de toast brûlé, un houblon herbacé qui s’ensuit d’une belle amertume…

 

Si j’avais à les comparer plus précisément, j’aurais tendance à dire que j’ai trouvé la Schumacher un brin plus métallique, la rendant moins agréable. Toutefois, Simon a préféré cette de Schumacher, alors que j’aurais élu Uerige la meilleure des deux. Aussi bien dire pour l’instant que c’est une égalité!

 

Cependant, il y a une bière qui se démarque clairement du lot : la 1838. Celle-ci était une grande surprise d’un point de vue gustatif. Son profil plus fruité et plus intense la rend sublime, bien qu’elle cadre moins dans la définition classique du style.

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Tant de rivalités dans une si belle ville!

Pourquoi tant de tradition?

 

Pour finir, j’aimerais mettre l’accent sur la forte tendance traditionnelle et chauvine que nous avons constatée en Allemagne. Nous l’avons dit, les brasseurs sont fiers de leur bière et de leurs spécialités régionales. Hors de question de servir une Kölsch à Dusseldorf! D’un sens, cela permet de développer une bière très aboutie. Les brasseries de Dusseldorf sont au sommet de leur art. D’un autre sens, cet art est très restreint et leur fermeture d’esprit à ce niveau fait en sorte qu’ils voient l’arbre au lieu de la forêt…

 

Cet immobilisme prive l’Allemagne en général de nombreuses possibilités. Disons qu’à vivre à Dusseldorf, je serais tanné de boire rien d’autre que de la altbier!

 

Mais avant de sembler trop ferme, il faut savoir que ce respect de la tradition rend un voyage dans chaque région d’Allemagne unique, et apporte un cachet particulier à Dusseldorf : la visite n’aurait pas été la même s’il se brassait de tout type de bière là-bas. L’émerveillement apporté par les brasseries traditionnelles vaut vraiment la peine!

Par Manuel Lavoie-April


Manuel Lavoie-April

Originaire de Trois-Pistoles, dans le Bas-Saint-Laurent. Pour tous ceux qui ne savent pas où c’est, simplifions les choses en disant que c’est entre Rivière-du-Loup et Rimouski, sur le bord du fleuve. Je suis présentement médecin-résident en neurologie à Sherbrooke. C’est à l'été 2013 que j’ai fait mes premières armes en bière de microbrasserie avec divers produits de Dieu du Ciel! ou du Trou du Diable. J’adore les IPA, les stouts impériaux et les saisons. J’apprécie tout type de bière, tant que c’est original et/ou bien fait.

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L'amateur de bière
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